Mes parents ont fait leurs études à l’école de sorcellerie de Mahoutokoro. Bien que l’établissement scolaire soit situé au Japon, sur l’île volcanique de Minami Iwo Jima, il existe plusieurs extensions dans quelques pays d'Asie. L’île Dalie abrite une école qui accueille les enfants à temps plein, dès l’âge de sept ans. Contrairement à sa « grande » sœur, elle apprend, aux élèves le souhaitant, quelques sortilèges de magie noire. Chen Qiang Tao est en huitième quand ma mère y commence ses études. Malgré leur différence d’âge, leur famille respective avait déjà pris la décision que dès les dix-sept ans de Chen Jia Lin, les deux allaient se marier. Si vous me demandez mon avis, je vous dirais que ma mère aime mon père, d’un amour fou et incompréhensible. Lui ? Je pense qu’il l’aime seulement pour le prestige que lui procure leur relation. La pupille de la famille Yung qui s'unit au clan Chen : les deux familles ne pouvaient rêver de mieux !

Selon ce que j'en sais, une grand fête avait eu lieu lors de la naissance de mon frère. Un premier enfant, quelques mois à la suite du mariage, et un fils !

Par surprise, ma mère est retombée enceinte, 12 ans plus tard... Je ne devais pas naître. C’est assez ironique pour une fille qui est née alors que le soleil laissait apercevoir ses premiers rayons. J’ai vu le jour le 15 octobre 2004, dans le petit village de Wuzhen, en Chine. La tradition de l'enfant unique n'avait pas lieu seulement dans le monde moldu, ma venue était une hérésie, un malheur dans la famille. Mon père a bien tenté de convaincre sa femme d'avorter, n'ayons pas peur des mots, mais Jia Lin m'a gardée.

Les premières années de ma vie, je vécus cachée aux yeux de tous. En dehors de mes parents, de mon frère aîné et de ma wàipó (grand-mère maternelle), personne n'était au courant de mon existence. Mis à part ma grand-mère qui s'occupait de moi, le trio formé des autres membres de ma famille m'ignorait.

Pour Qiang Tao, je suis la honte de la famille, la tache qu’il faut absolument effacer pour garder son honneur. À défaut de pouvoir tout simplement me faire disparaître, il se convainc que j’étais le parfait bouc émissaire. Je ne devais pas naître, alors je ne devais pas exister.

Ainsi, d’aussi loin que je me souvienne, je n’ai connu que les mauvais traitements de mon géniteur, et ma mère n’avait pas son mot à dire. Elle avait fauté en m’ayant mise au monde, alors il se vengeait en s’en prenant à moi au moindre faux pas.

Dans leurs meilleurs jours, mon père et mon frère m'ignoraient. De toute façon, Xiong Tao était à la maison que pendant les vacances scolaires. Il avait commencé son éducation à Mahoutokoro, sur l’île Dali. Il se moquait bien du sort réservé à sa petite sœur. Tout comme notre paternel, il pensait que j’étais une tare à leur réputation.

Je passais la plupart du temps dans ma chambre, accompagnée par ma grand-mère. Elle restait sourde aux hurlements de mon géniteur et s'interposait parfois entre lui et moi.

Je n’avais pas besoin du trio que formait le restant de ma famille. J’avais mon imagination fertile pour me garder hors de la folie et ma grand-mère pour m'aider à développer ma confiance en moi. Elle croyait en moi et osait même dire que j'avais un certain talent en dessins. Je pense qu'elle perdait la tête...

Notre père était fière de Xiong Tao. C’était un digne descendant Chen, un véritable sorcier à en devenir. Il allait prendre sa place à la tête du groupuscule du Consortium - Je découvrirai bien plus tard ce qu'il en était -. Le rôle du chef se passait de père en fils depuis des siècles.

Pour donner raison à mon père, mes premiers signes de magie sont apparus vers l'âge de neuf ans. À ce moment là, Qiang Tao avait décidé de déménager au Royaume-Uni, pour permettre à mon frère de poursuivre ses études et pour cacher mon absence de magie à notre entourage.

Alors que mon père s'en prenait encore à moi, car j'avais osé ignorer un de ses ordres, un vase vint s'écraser contre sa tête. Je ne sais toujours pas qui a été le plus surpris entre lui et moi. Bien sûr, alors que ça faisait des années qu'il espérait que je ne sois pas une Cracmolle, il resta furieux de voir qu'il n'allait pas se débarrasser de moi.

À onze ans, lors de mon entrée à l’école de sorcellerie de Poudlard, on aurait très bien pu me confondre avec une enfant de sept ou huit ans. J'avais toujours été petite. Ça m'allait très bien, en fait. Je pouvais passer inaperçue.

À mon grand étonnement, alors que je pensais être placée à Serdaigle, le Choixpeau me choisit Poufsouffle comme maison. Je n'avais pas la ruse ni même l'arrogance parfois d'une Serpentard ni le courage d'une Gryffondor. J'avais la loyauté d'une Pousouffle, mélangée avec une créativité sans fond.

J'avais bien failli ne pas y mettre les pieds. Mon père aurait voulu m'envoyer à Ilvermorny ou me laisser en Chine. J'aurais bien aimé qu'il le fasse. Je serais restée avec ma grand-mère et n'aurais pas eu à vivre la douleur de la séparation.

Les années passèrent et, peut-être grâce à l'amitié de Lauren, je parvins à sortir de mon cocon. Je n'étais pas encore au point de déployer mes ailes, mais je devenais une chenille fragile qui, un jour, allait devenir un papillon. Cette image me faisait frissonner de dégoût chaque fois que mon amie l'utilisais. Je détestais cette image de moi, mais elle n'était pas fausse.

À l'aube de mon quinzième anniversaire alors que mes parents s’étaient à nouveau disputés à la suite d'une nouvelle séance de coups de la part de mon père sur moi, il me poussa dans l'escalier et je fus grièvement blessée.

Ma mère m'amena à l'hôpital pour Sorciers, malgré mes refus. Je ne voulais pas créer de vagues, je ne voulais pas causer des problèmes. J'étais inquiète pour ma mère qui s'éteignait de plus en plus. Je n'étais pas inquiète pour moi, c'était ma mère qu'on devait aider. Une fois arrivées à Sainte-Mangouste, nous fûmes conduites par l'hôtesse d'accueil jusqu'à un grand homme ténébreux, qui avait un air patibulaire au premier abord.

Cependant, maman et moi fûmes surprises quand il commença à nous parler en mandarin. Nous nous attendions à un simple examen et des soins expéditifs comme en Chine, mais l’homme qui m’avait prise en charge avait l’air de savoir que je subissais des sévices de la part de mon géniteur. Lorsqu'il me questionna, je n'osai pas briser le silence qui entourait notre situation depuis des années. Je pense que malgré tout, j'avais encore de l'affection envers Chen Qiang Tao.

Maman connaissait le médicomage Lupo de nom, mais elle ne savait pas qu’il travaillait dans cette clinique. Elle m’avait dit, par la suite, qu’il était quelqu’un de très gentil, malgré son air peu avenant. Le mari de ma mère vint nous chercher et le médicomage n'eut pas le choix de nous laisser partir, même si je vis dans son regard qu'il n'en avait aucune envie.

Mon père remercia monsieur Lupo pour ses soins, avant de nous emmener vers la maison. Mais le docteur n’en resta pas là. Il regarda ma mère et moi, avant de me donner une petite peluche en forme de loup, qu’il avait sorti de son grand sac, en me disant dans l’oreille de le serrer très fort quand ça n’allait pas, pour me rassurer. Ce geste me toucha, malgré mon âge. Ça prouvait, encore une fois, que j'étais petite, mais cette donation apaisa mon coeur, pour une raison que j'ignorais.

Une fois tout le monde à la maison, mon père se mit dans une colère noire. Il me fit à nouveau du mal, car nous lui avions désobéi. Par chance, je pus garder ma peluche, que je serrai contre moi pour ne pas qu’il me la prenne. Il essaya bien de le faire, mais malgré moi, il fut repoussé plus loin et j'allai m'enfermer à double tour dans ma chambre avec ma mère. Pour la première fois depuis des années, elle me prit dans ses bras et murmura des excuses dans notre langue natale.

Plusieurs mois s’écoulèrent, mes semaines à Poudlard me permettant de me sentir normal, avant que le point de non-retour ne fut atteint. Alors qu’il revenait d’une réunion déplaisante avec un gros client, mon géniteur se remit à me maltraiter. Je pouvais voir ses lèvres s'ouvrir dans un grand fou rire - que j'imaginai mesquin -, mais je n'entendais pas. Pour la première fois, le silence m'effraya.

Depuis, je n’entendsplus du tout, de l’oreille gauche, malgré les sorts pour me rendre l’ouïe. Celle à droite fonctionnait, mais dès qu'il y avait trop de bruits ou que je prenais peur, elle cessait de fonctionner correctement. Mon père avait dû utiliser un autre genre de magie ou autre chose, je n'en savais rien. J'avais appris que Qiang Tao faisait partie des mauvais du Consortium, mais je ne pouvais rien y faire. Je lui en voulus et en voulus à mon mère qui le savait, mais n'avait rien fait pour me protéger. Je ne pense pas qu'elle soit en parfait accord avec les choix de son mari, mais elle ne disait rien.

Je déversai cette haine dans une série de dessins et de croquis plus sombres les uns aux autres. Si une décision ne se formait pas petit à petit dans ma tête, je pense que j'aurais pu sombrer bien loin. La folie n'attend jamais avant de s'incruster...

J'avais toujours utilisé le dessin comme exutoire. C'était ma façon de m'exprimer sur tout et surtout sur rien. Je ne savais jamais ce que je ressentais ou comment je devais l'exprimer. Alors, tracer des lignes en ne sachant pas où elles allaient me mener me donnait l'impression de les extérioriser et de les vivre.

Je venais d'avoir 16 ans et je me sentais de moins en moins bien. Je cachais ma baisse de moral assez bien. J'étais souvent invisible au sein de ma famille. Ma mère levait rarement la voix contre son époux, ce dernier m'ignorait excepté quand il devait décharger sa colère, et mon frère avait déserté la maison familiale pour s'installer avec sa fiancée.

Lors des vacances de Noël, je profitai de l'effervescence des préparatifs pour prendre la fuite. On n'avait jamais célébré de Fêtes religieuses avant d'arriver au Royaume-Uni et je n'en voyais pas l'utilité. Si tout allait comme d'habitude, j'aurais droit à un calepin et à quelques crayons de boid. Le même cadeau chaque année et je voyais bien le regard réprobateur de mon géniteur. Ma grand-mère m'envoyait, toujours à l'avance, des crayons de couleurs, de l'aquarelle et une lettre que je laissais à Poudlard pour ne pas risquer la colère de mon père.

Je trouvai refuge dans le Londres moldu où je me cachai dans un café ouvert 24h. Je dessinai jusqu'à avoir mal à la main et jusqu'à déchirer les feuilles. Les larmes coulèrent sur mes joues et je sursautai en voyant un mouchoir dans mon champ de vision. Un homme m'offrit le tissu en souriant et déposa un bol de chocolat chaud devant moi. Quand je levai la tête pour l'observer et réalisai qu'il s'agissait du brigadier de Poudlard, Hal Brown. Il me posa des questions, auxquelles je répondis par le silence. Sans hésiter, il m'hébergea chez lui pour le restant des vacances et lors du retour en cours, je l'ignorai, même si ça me rongeait de le faire.

Les deux dernières années de mes études postcollégiales furent rythmées par les mêmes événements ou presque. Je parvenais à me mêler un peu plus aux autres, même si je n'étais pas à Poufsouffle pour mon niveau d'interactions sociales.

Lorsque je terminai mes études collégiales, je décidai de choisir le cursus Arts Magiques & Archéomagie. Cependant, un événement vint perturber mes débuts universitaires. Quelques jours après mon anniversaire, je reçus avec étonnement, une lettre de mon père. Il m'annonçait froidement le décès soudain et inexpliqué de ma mère. Le bouleversement que me causa cette nouvelle, me poussa à devoir consulter Hal Brown. Nous nous étions peu parlé depuis mon cours séjour chez lui, l'hiver de mes 16 ans.

Maintenant, je devais poursuivre ma vie et essayer de comprendre ce qui était arrivé à ma mère. Mon père avait une part de responsabilité dans ce départ... le Consortium aussi, peut-être. Je devais trouver les réponses à mes questions.